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Les manuscrits de la mer morte
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"J'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. CHOISIS LA VIE, afin que tu vives, toi et ta descendance"

La Bible, livre du Deutéronome, chapitre 30, verset 19

Les manuscrits de Qumran

LES DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES DE LA MER MORTE :
FANTAISIE OU HISTOIRE ?

par André LAMORTE
- Docteur en théologie et docteur de l'université de Strasbourg (Lettres) -

  1. PRÉFACE

  2. PROPOS LIMINAIRE

  3. BILAN NÉGATIF

  4. BILAN POSITIF

  5. APPENDICE ET CONCLUSION
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1 - PRÉFACE

L’honneur qui m’est fait d’écrire une préface pour l’édition du présent ouvrage me rappelle un souvenir: il y a quelques années, je faisais une conférence au quartier Latin et une auditrice qui avait vaguement suivi quelques cours du professeur Dupont-Sommer soutenait hautement que le Nouveau Testament n’était qu’une adaptation de la doctrine de Qumran et n’avait donc rien de surnaturel.
Un tel exemple montre quels malentendus peuvent obscurcir l’esprit et constituer un obstacle à la foi en Jésus-Christ. Le Professeur Lamorte, avec la compétence que lui donnent ses nombreux travaux, écarte ici la théorie d’une origine essénienne du christianisme. Sans doute, tout n’a pas encore été dit sur la nature des occupants du site de Qumran en bordure de la mer Morte. L’auteur lui-même ne s’associe qu’avec réserve aux solutions proposées. Il ne lui est pas possible non plus dans le cadre restreint d’une brochure populaire d’examiner en détail les oppositions qui existent entre l’enseignement de Jésus-Christ et les textes de Qumran. Mais en lisant ces lignes, le croyant est conforté dans ses convictions: la foi chrétienne n’est pas une doctrine sectaire (*) qui aurait réussi, mais bien le résultat d’une intervention divine.

(*) Selon la fameuse phrase d’Ernest Renan: «Le christianisme est un essénisme qui a largement réussi». (cité par André Dupont-Sommer, Les écrits esséniens découverts près de la mer Morte, Paris,1959, rév. 1980).

Dans une seconde partie, nous sommes mis en présence des confirmations que les heureuses trouvailles faites dans les grottes donnent à notre confiance dans la valeur de l’Ancien Testament. Vu leur ancienneté, les rouleaux complets d’Ésaïe sont une preuve frappante de l’exactitude remarquable du texte tel que nous l’avons reçu et constituent un sérieux argument pour la rédaction du livre entier par le prophète au 8° siècle.

Diverses autres découvertes récentes sont ensuite passées en revue et complètent utilement les exposés précédents.

On accuse les évangéliques de choisir dans les résultats archéologiques ce qui va dans le sens de leurs convictions et de laisser de côté les autres. Il est certain que bien des récits bibliques n’ont pas reçu jusqu’à ce jour de confirmation — mais nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve —, que certains rapprochements que l’on avait crus concluants se sont révélés mal fondés et qu’occasionnellement, vu notre insuffisance, une découverte pourrait soulever des problèmes plutôt que d’en résoudre.

Nous ne ferons jamais l’économie de la foi lorsqu’il s’agit de croire à l’inspiration des Écritures. Il n’en reste pas moins que les découvertes de ces dernières années ont fait écrouler bien des théories avancées par certains critiques de la Bible.

Il est bon que le public le sache et nous sommes reconnaissants au Professeur Lamorte de nous aider à le savoir.
Nous devons être toujours plus convaincus que la Bible est d’un bout à l’autre la Parole de Dieu et que dans ces conditions elle est la vérité.

Jules Marcel Nicole
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2 - PROPOS LIMINAIRES

Il convient de rappeler les faits; deux dates sont, à cet égard, à retenir.

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2.1 - 1947

Au mois de mars de l’année 1947, un jeune Bédouin, Muhammad ed-Dib, de la tribu Ta’amireh, lance quelques cailloux dans la fente située au flanc d’une des falaises de la région tourmentée et rocailleuse de Quirbeth-Qumran, au nord-ouest de la mer Morte, à 12 kilomètres au sud de Jéricho; il entend un bruit spécial, comme celui de quelque chose qui se casse. Il venait de découvrir l’une des nombreuses grottes affectant cette région, la grotte d’Ain-Feshka, absolument inexplorée jusque-là, et, dans cette grotte, quelques jarres scellées et intactes, renfermant de très précieux manuscrits.

Le jeune berger, ignorant l’importance et la valeur de sa découverte, ne la divulgua pas. Le temps passa, mais l’affaire ne devait pas rester longtemps cachée, et, dès avril 1948, la publicité faite autour d’elle devait susciter un énorme mouvement d’intérêt; d’autres découvertes eurent lieu entre 1947 et 1957, et, sans doute, cette région n’a-t-elle pas fini de livrer ses secrets: 180 grottes ont été explorées, dont une quinzaine constituaient des «cachettes à manuscrits» roulés dans des jarres selon le procédé indiqué dans le livre de Jérémie pour préserver de la destruction des documents précieux (Jérémie 32:14). De ces découvertes le grand archéologue américain W. F. Albright devait déclarer qu’elles étaient «les plus sensationnelles des temps modernes»; l’on a pu souligner à leur sujet l’une des miraculeuses rencontres de l’Histoire, et parmi les plus extraordinaires, car c’est au moment même où le «peuple du Livre» retrouvait, avec sa terre, son indépendance nationale, que Dieu permettait la mise à jour de ces antiques manuscrits des Saintes Écritures.

Avec de nombreux fragments littéraires divers, furent trouvés des centaines de textes se rapportant à la plupart des livres de l’Ancien Testament. En dehors de la grotte A ou grotte 1 (Ain-Feshka), qui est la plus intéressante en raison de l’importance des manuscrits qui y ont été trouvés, dont un rouleau complet du Livre d’Ésaïe avec ses 66 chapitres, des fragments de ce même livre prophétique et du Lévitique, des portions de la Genèse, du Deutéronome, des Juges, de Samuel, d’Ézéchiel, des Psaumes, un commentaire des deux premiers chapitres d’Habakuk... La quatrième grotte déblayée en 1952 s’avérait, elle aussi, particulièrement riche; on y découvrait également de nombreux textes représentant tout l’Ancien Testament, à l’exception du livre d’Esther, avec des commentaires sur les Psaumes, Daniel, plusieurs petits prophètes...

On comprend, dès lors, que ne se soit pas éteinte la vague d’enthousiasme qui, en 1947-1948, accueillit la découverte des manuscrits de la première grotte. Avec M. André Parrot, Directeur du Musée du Louvre et chef des Missions archéologiques de Mari et de Larsa, les archéologues et les hébraïsants déclaraient alors: «Il faudra sans doute réviser bien des conclusions de la Haute Critique». Les amis de la Bible exultaient, ceux qui fidèles à la tradition juive et chrétienne se refusaient à accepter certaines présuppositions subversives de la science historique. Les Manuscrits de la mer Morte n’allaient-ils pas sonner le glas des détracteurs du texte sacré?
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2.2 - 1951

Hélas! la critique, un moment bouleversée, veillait. Elle ne pouvait avouer sa défaite. S’il lui était difficile de s’inscrire en faux contre des documents trop clairs, du moins devait-elle tout tenter pour détourner les croyants, et les théologiens d’abord, de l’étude sérieuse de ces documents en créant un autre centre d’intérêt. L’occasion lui fut donnée en 1951 — c’est la seconde date à retenir — par la découverte des ruines du Quirbeth Qumran, à 3 kilomètres de la grotte d’Ain Feshka. Les fouilles commencèrent là en novembre 1951 et se poursuivirent jusqu’en 1956, mettant à jour un bâtiment communautaire comportant, avec tout un système d’approvisionnement en eau (aqueduc, citerne), un ensemble de pièces: une grande salle allongée considérée comme le scriptorium, le lieu de la rédaction des manuscrits, une salle de réunion, à la fois salle à manger et salle utilisée pour les ablutions, une «blanchisserie», et plusieurs chambres; à proximité de là, un cimetière.

C’est en fonction de ces ruines que dès lors allait être interprété tout le contexte archéologique de la mer Morte. Le site de Qumran, déclarait-on, devait être un monastère, le monastère d’une secte juive, la secte des Esséniens, dont on irait jusqu’à faire l’inspiratrice du christianisme, et, dans cette ligne, les manuscrits de la grotte A (Ain-Feshka) et des autres grottes devaient sans doute constituer la bibliothèque dudit monastère.

Ainsi fut édifiée l’hypothèse à laquelle deux historiens notoires, l’anglais John Allegro (*) et le professeur André Dupont-Sommer, de la Sorbonne, ont attaché leur nom.

(*) Philologue et membre de la première équipe du Père R. de Vaux dont il se démarquera, John Marco Allegro suscitera une vive polémique dont il ne sortira pas indemne, sa thèse du Champignon sacré et la Croix — où il met en cause l’existence même de Jésus-Christ — finissant de le discréditer.

John Allegro va jusqu’à affirmer audacieusement, et sans la moindre preuve, que l’on peut ainsi replacer le christianisme dans ses véritables perspectives historiques et culturelles, en déclarant qu’il constitue «un épisode de l’extension de la religion des Mages depuis la Mésopotamie jusqu’à Rome»! (*)

(*) Planète N° 34, mai-juin 1967 pp. 156-157

Dans cette hypothèse, remarquons-le, les Manuscrits n’interviennent que subsidiairement, dans la mesure seulement où ils peuvent apporter un atout plus ou moins plausible en faveur de la thèse ainsi développée. Des manuscrits d’une exceptionnelle importance, comme celui d’Ésaïe, ne sont même pas mentionnés en références.

Cette conception rejoint la conception déjà soutenue en 1921 par Edouard Schuré, qui imaginait Jésus, avant le début de son ministère, être allé longuement s’initier auprès des Esséniens: «Cela ressort, affirme cet auteur, non seulement des rapports intimes entre la doctrine de Jésus et celle des Esséniens, mais encore du silence même gardé par le Christ et les siens sur cette secte» (*).

(*) Edouard Schuré: Les grands initiés (Esquisse de l’Histoire secrète des religions), 1921, pp. 469-486

L’ingénieuse hypothèse de John Allegro et du Professeur Dupont-Sommer ne viendrait-elle pas donner une apparence de vraisemblance à la conception de Schuré et lui communiquer comme un regain de jeunesse ? D’autre part, le grand public s’en tient encore le plus souvent à la troublante révélation de l’essénisme de Qumran, laquelle, à la faveur du mystérieux silence de nombreux archéologues sans passion et nettement sceptiques à son égard, comme à la faveur de la générosité de certaines revues à sensation, continue à semer le discrédit sur les origines du Nouveau Testament et du christianisme. Il n’existe absolument aucune preuve d’un contact quelconque entre une communauté essénienne et le Christ ou les premiers chrétiens. Il n’y a dans la doctrine essénienne aucune trace de ce qui forme la base du christianisme: l’incarnation, la rédemption par la mort de Celui qui était véritablement, et tout à la fois, le Messie, le Prophète et le Roi. C’est ainsi que l’Ancien Testament présente le Fils de l’Homme et le Serviteur souffrant (*). Divers ouvrages catholiques et protestants, même à l’usage de la jeunesse, n’en continuent pas moins à se faire l’écho de l’hypothèse de John Allegro et du professeur Dupont-Sommer.

(*) J. A. Thompson: La Bible à la lumière de l’Archéologie (Édition française, 1975), pp. 240-250

«Dites-nous ce qu’il faut penser de la question de Qumran?» «Expliquez-nous ce que peuvent bien devenir, dans l’affaire du monastère essénien, les grands manuscrits comme celui d’Ésaïe»? Ce sont des appels de ce genre qui nous sont fréquemment adressés. De son côté, un professeur catholique nous écrivait: «La question de Qumran est la plus importante qui puisse jamais être soulevée, puisqu’elle met en cause, avec la véracité de l’Évangile, la personne même du Christ... Et il y a des quantités d’hommes dont la foi demande à être assurée et rassurée. C’est pour cela qu’il importe de contrebalancer absolument l’influence néfaste des athées et même celle de certains exégètes et théologiens «dévoyés».

Nous sommes reconnaissants aux Éditions «PAROLES» de nous permettre de répondre, si imparfaitement que ce soit, à ces appels du grand public, et nous espérons que notre témoignage trouvera un écho et sera bénéfique à beaucoup de lecteurs, plus soucieux de la vérité que d’un parti pris pseudo-scientifique.

Dans cette démarche et ce témoignage, nous nous arrêtons d’abord sur l’hypothèse essénienne, c’est-à-dire sur ce que nous pouvons appeler le bilan négatif des découvertes de la mer Morte, pour envisager ensuite le bilan positif, autrement important: l’étude des manuscrits bibliques eux-mêmes, qui constituent une richesse non encore complètement inventoriée.

Professeur Daniel Vernet
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3 - BILAN NÉGATIF

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3.1 - Comment s’est édifiée la thèse de la Communauté essénienne de Qumran?

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3.1.1 - LA CONSTRUCTION DE LA THÈSE

En opposition avec le judaïsme officiel caractérisé par une stricte discipline rituelle, sociale et morale, la communauté de Qumran se serait réfugiée dans cette région inhospitalière avoisinant la mer salée pour échapper à la fois à la persécution romaine et à la vindicte du Temple de Jérusalem.

La grotte A et les autres grottes aux manuscrits ne constituaient-elles pas les bibliothèques de la secte, refuges naturels d’ouvrages sacrés écrits ou copiés à Qumran, et qu’il s’agissait de mettre à l’abri de la destruction romaine?

Appuyés sur le manuscrit: «Le Manuel de Discipline», daté du Ier siècle avant Jésus-Christ, qui fait état largement des règles d’une communauté juive sans l’identifier; appuyés sur les fragments de l’Écrit de Damas qui, par leur conformité avec un écrit du même genre déjà connu depuis soixante-dix ans, permettrait d’identifier le chef de la secte, nos historiens n’avaient-ils pas découvert cette communauté essénienne, jusque-là fort mystérieuse, dont avaient écrit Philon, Pline l’Ancien et Flavius Josèphe?

Les ruines mises à jour depuis 1951 ne permettent-elles pas de reconnaître, nous dit-on, les piscines aux ablutions rituelles, d’immenses salles de travail avec les vestiges d’un scriptorium et, à côté de ces témoins de la vie religieuse et intellectuelle, des silos et des magasins, un four de boulanger, une laverie, des ateliers, des fours de potiers, des citernes et les canalisations destinées à les alimenter, en y conduisant l’eau d’Aïn Feshka; bref, toutes les installations nécessaires à la vie matérielle d’une communauté isolée dans le désert?

C’est Eléazar Sukenik, grand archéologue et autrefois Directeur au département d’archéologie de l’université hébraïque, qui a lancé la thèse de l’essénisme de Qumran. Mais c’est M. Dupont-Sommer, professeur à la Sorbonne, qui, par plusieurs ouvrages plus ou moins considérables, dont celui intitulé «Les Écrits esséniens découverts près de la mer Morte» et publié en 1959, a réussi à donner à la thèse de Sukenik son étai historique et littéraire apparemment très habile et séduisant.

D’abord plus ou moins réservés sur les interprétations audacieuses qu’elle suggérait, les fouilleurs de l’École dominicaine (École biblique et archéologique de Jérusalem: RR. PP. de Vaux, Milik, Barthélémy, etc.) et des historiens catholiques ou protestants comme MM. Vermès, Vincent, Oscar Cullmann, adoptèrent cette thèse à partir de 1952.

Aujourd’hui, en dehors de quelques revues spécialisées, il est rare de découvrir dans nos journaux, ou dans des articles de vulgarisation, une note qui fasse opposition à M. Dupont-Sommer. Diverses personnalités du monde catholique ou protestant semblent avoir accepté, sans discussion, les conclusions du professeur de la Sorbonne.

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3.1.2 - LA THÈSE UTILISÉE POUR RUINER LA PORTÉE DU CHRISTIANISME

Si, selon l’avis du R. P. Barthélémy, la secte de Qumran ne se présentait que comme un mouvement précurseur assez distant du christianisme, son existence serait assez banale et inoffensive. Et nous pourrions, à la rigueur, laisser à ceux qui l’ont édifié la responsabilité d’un édifice dont les bases historiques apparaissent singulièrement contestables.

Mais nous nous trouvons en présence d’une thèse qui, si elle s’avérait exacte, ruinerait purement et simplement la portée intrinsèque du christianisme, sa propre originalité et, partant, le caractère spécifique de la révélation chrétienne.

Écoutons plutôt les déclarations de M. Dupont-Sommer, déclarations empruntées à diverses communications et à trois ouvrages: Aperçus préliminaires sur les Manuscrits de la mer Morte (1950), Nouveaux aperçus sur les Manuscrits de la mer Morte (1953), et enfin: Les Écrits esséniens découverts près de la mer Morte (1959, révisé en 1980).

M. Dupont-Sommer nous apprend que le christianisme est lié à l’essénisme par ses croyances et ses rites, et par la relation entre Jésus et un mystérieux Maître de Justice, chef de la secte de Qumran, qui serait mort martyr sous le grand prêtre Hircan II vers 64 avant Jésus-Christ, victime donc des autorités religieuses officielles de Jérusalem.

Il conviendrait de reconnaître entre le christianisme et l’essénisme une identité d’inspiration, ce qui signifie une influence essénienne sur le christianisme (celui-ci étant postérieur).

Certains thèmes spirituels du «Manuel de Discipline» (*) auraient été repris par le quatrième évangile, en particulier celui de la lutte entre les fils de la lumière et les fils des ténèbres; le paulinisme aurait exploité les notions chères à la secte: héritage, péché, chair, armes spirituelles, tentation, vérités, ténèbres et lumière. La justification par la foi se trouverait chez les Esséniens: «Si je tombe par la faute de ma chair pécheresse, ma justification subsistera néanmoins par celle de Dieu et par sa justice éternelle. Par la justice et la vérité, Dieu m’a rendu juste et il expiera tous mes péchés par la plénitude de sa bonté» (Extrait du «Manuel de Discipline»).

(*) «Manuel de discipline» ou «Règle de la Communauté» de la secte, l’un des grands manuscrits de la grotte A. — La secte n’est pas identifiée.

Ressemblances frappantes, nous dit-on. Mais, remarquons au passage que c’est à Christ et à son œuvre que Paul rattache notre justification et non à un Dieu caché auquel on refuse d’être le Dieu de Jésus-Christ.

Le modernisme, négateur de la Révélation chrétienne, rattachait le prologue de Jean sur le Verbe fait chair à la philosophie alexandrine. Désormais, nous dit-on, il faudrait le rattacher à la pensée judaïque de Qumran; mais étant entendu que c’est Qumran qui est tributaire de la philosophie alexandrine.

Rien donc ne serait changé, et, soit directement soit par une secte interposée, le christianisme serait un corollaire de l’hellénisme.

Une telle assertion n’est-elle pas en flagrante opposition avec l’enseignement de saint Paul, et en particulier avec la première épître aux Corinthiens: «Les Juifs demandent des miracles, les Grecs cherchent la sagesse; nous, nous prêchons Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les Grecs» (1 Corinthiens: 1:22-23) ?

On nous dit encore que Jean-Baptiste (comme Jésus d’ailleurs), aurait subi l’influence des moines de Qumran. Sans doute n’aurait-il jamais été lui-même un Essénien de Qumran; il ne vivait pas en communauté; il ne pratiquait pas les purifications quotidiennes... mais il vivait dans la pauvreté et l’ascétisme, il résidait dans le désert proche de Qumran. Issu d’une famille sacerdotale, comme les Qumraniens, il fut hostile au culte établi. Son baptême, sur les bords du Jourdain, ne fut-il pas un rite d’initiation pareil aux bains mystiques pratiqués à Qumran?

L’Église, que le Nouveau Testament déclare fille de la résurrection, mystiquement fondée par Jésus-Christ (Matthieu 16:18) et réellement née le jour de la Pentecôte, «l’Église chrétienne, écrit M. Dupont-Sommer, s’enracine, à un degré que nul n’aurait pu soupçonner, dans la secte juive essénienne» (Les Écrits esséniens découverts près de la mer Morte, pp. 28-29). «Elle a emprunté à celle-ci, ajoute-t-il, une bonne part de son organisation et de ses rites, de ses doctrines et de ses «modèles de pensée», de son idéal mystique et moral» (op. cit. p. 386).

Qu’il s’agisse de la vie communautaire, de la constitution de la primitive Église, de la conception même de l’Église, des rites fondamentaux du baptême et de l’eucharistie, du Sermon sur la montagne, des écrits de l’apôtre Paul ou de l’Evangile johannique, des doctrines fondamentales de la justification et de la prédestination, des croyances au Messie et à la fin du monde, c’est dans la secte de Qumran — et non dans le Nouveau Testament — qu’il faudrait en chercher l’origine (op. cit. p. 387). On est même allé jusqu’à soutenir, à propos de la date de la dernière Cène, que Jésus et ses disciples, pour la célébration des fêtes religieuses, suivaient non pas le calendrier de la synagogue officielle, mais un calendrier tout à fait différent, le calendrier même qui réglait la vie liturgique de la communauté de Qumran (Cf. A. Jaubert, La Date de la Cène, Paris 1957; Dupont-Sommer, op. cit. p. 388).

Il semble qu’on ne peut guère aller plus loin pour tenter de prouver les affinités étroites entre Jésus et ses disciples d’une part, et la secte des Esséniens d’autre part.

Il y a pourtant plus fort encore: le Maître de Justice de la secte, personnage exceptionnel par sa piété, par ses souffrances subies de la part des prêtres officiels, et par sa mort héroïque (on nous demande de nous rapporter ici au manuscrit appelé commentaire d’Habakuk), ce personnage mort martyr vers 64 avant Jésus-Christ, serait le véritable héros d’Ésaïe 53. Jésus n’aurait pu, 95 ans plus tard, que s’attribuer une prophétie qui s’appliquait directement au chef de Qumran.

M. Dupont-Sommer, à l’endroit de ce Maître de Justice, n’hésite pas à parler d’incarnation, de rédemption et de parousie. Il ne manque guère que la résurrection et l’ascension! «Le Maître galiléen (Jésus), déclare M. Dupont-Sommer, apparaît, à bien des égards, dans le Nouveau Testament, comme une étonnante réincarnation du Maître de Justice» (Nouveaux Aperçus, 1956).

On croit rêver! Et nous saisissons ici jusqu’à quel point la thèse de l’essénisme de Qumran, qui fait de Jésus un simple imitateur du chef de la secte, est tendancieuse et subversive.

Coéquipier des quelques spécialistes chargés de déchiffrer et diffuser les manuscrits à Jérusalem.

M. John Allegro a apporté le concours de son autorité à M. Dupont-Sommer. Nous ne pouvons le passer sous silence.

M. Allegro est un théologien qui s’intéresse à la religion «en tant que phénomène humain». Il a écrit de nombreux articles ainsi qu’un livre faisant la synthèse de ses conclusions sur l’essénisme et le christianisme. Bornons-nous à signaler un article paru sous sa signature dans la revue «Planète». N° 32, pp. 73 à 89: «Le Nouveau Testament serait un document faussé».

J. Allegro a adopté la thèse de Dupont-Sommer sur la communauté essénienne de Qumran, et son article est un réquisitoire impitoyable contre la spécificité des origines du Nouveau Testament. Se fondant exclusivement sur les manuscrits de son choix, il se donne beaucoup de mal pour tenter de démontrer les apports esséniens relevés dans le Nouveau Testament, et pour prouver que les apôtres et Jésus lui-même portaient des noms esséniens. «On doit donc voir, écrit-il, dans la secte dont sont issus les manuscrits des grottes de Qumran la matrice même du christianisme» (*). Il s’étonne alors que cette secte soit passée sous silence dans les évangiles. C’est là pour lui la preuve du sectarisme du Nouveau Testament qui, par ailleurs, aurait travesti l’apport essénien, l’utilisant à des fins nouvelles (**).

(*) Planète, no 32, p 78.
(**) Planète, no 32, p 79.

L’abbé Carmignac, hébraïsant notoire, fondateur de la Revue de Qumran, a répondu avec pertinence à John Allegro. Voici quelques lignes de sa réponse. Nous les citons d’autant plus volontiers qu’elles émanent d’un savant qui accepte le principe d’une communauté essénienne:

«Un tel raisonnement, écrit l’abbé Carmignac (*), s’effondre de lui-même quand on sait que les textes de Qumran, eux non plus, ne parlent jamais des Esséniens et de l’essénisme... Quand il (M. Allegro) nous avertit que ses autres recherches aboutissent à «des résultats non moins spectaculaires», nous sourions. Et nous sourions plus encore quand nous lisons vers la fin de son exposé: «Avec l’essénisme, la chose est maintenant suffisamment éclaircie... nous sommes dans le monde de la magie noire, de la nécromancie, des rites de sacrifices, des techniques secrètes de ventriloquie». (**)

(*) Planète, no 34, p 152.
(**) Planète, no 32, p 82.

Dans tout son article, M. J. Allegro a voulu prouver que le christianisme se réduirait à l’essénisme. Maintenant il affirme, sans le prouver, que l’essénisme se réduit à la magie et au charlatanisme... Bien au contraire! «Quiconque lit avec soin les textes de Qumran est frappé par la pureté et l’intensité de la vie religieuse qu’ils expriment. Et quiconque possède une connaissance un peu approfondie de l’essénisme et du christianisme reconnaît sans peine que l’essénisme, si noble qu’il soit par certains aspects, est encore loin d’atteindre à la religion révélée par Jésus-Christ» (*).

(*) Planète, no 34, p 155.

Le texte de l’abbé Carmignac souligne les contradictions de la thèse de M. Allegro en même temps que le caractère fort subjectif de son argumentation historique et exégétique dont le but évident est de ruiner, avec la spiritualité de l’essénisme, la révélation néo-testamentaire qui en serait issue. Mais l’abbé Carmignac ne se contredirait-il pas lui aussi en posant, d’une part, la réalité d’une secte essénienne de Qumran et en affirmant d’autre part, que les textes de Qumran ne se donnent jamais comme des textes esséniens, et que «le terme essénien» ne nous est parvenu que par des sources grecques? (*) Que divers courants dans le judaïsme contemporain, à l’instar de Sukenik, prennent à leur compte la thèse de MM. Dupont-Sommer et Allegro, rien de surprenant. D’autant que cette thèse, avec le fameux Maître de Justice de la secte, justifie pour les tenants exclusifs de l’ancienne alliance, l’économie de Jésus-Christ.

(*) Planète, no 34, p 152.

Mais que des croyants, catholiques et protestants, l’adoptent à leur tour sans discussion, voilà qui ne laisse pas de nous surprendre! Car il s’agit, en définitive, de savoir si la construction extrêmement habile de l’essénisme de Qumran repose sur des bases historiquement inattaquables.
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3.2 - UNE HYPOTHÈSE

En réalité, et Dieu merci, la thèse de l’essénisme de Qumran n’est qu’une hypothèse, une séduisante construction de l’esprit. C’est ce que nous voudrions essayer de démontrer maintenant.

Disons d’abord que, en face des noms de savants que nous avons cités et qui partagent l’opinion de Sukenik et de Dupont-Sommer, il faut placer les noms d’autres savants notoires (archéologues, sémitisants, historiens) qui se sont toujours refusés à adopter cette hypothèse. Citons: Edouard Dhorme, l’orientaliste français; Jérôme Carcopino, le grand historien du monde romain; René Dussaud, qui l’a fortement combattue dans un article posthume paru dans Syria en 1958; André Parrot, directeur du Musée du Louvre, directeur des fouilles françaises de Mari (Cf. Le Musée du Louvre et la Bible, p. 149, note I); le professeur Millar Burrow; enfin, pour ne citer que les plus éminents, Del Médico, le savant orientaliste qui découvrit le secret de la langue hittite, et dont les deux livres: L’Énigme des Manuscrits de la mer Morte (1957) et Le Mythe des Esséniens (1958), apportent, à l’encontre de la fameuse hypothèse, une argumentation solide et impressionnante.

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3.3 - QUELLES SONT LES SOURCES HISTORIQUES DE CE QUE NOUS APPELONS :
                    L'HYPOTHÈSE DE QUMRAN ?

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3.3.1 - LES SOURCES ELLES-MÊME

Ces sources se réduisent pratiquement à trois auteurs: le philosophe Philon d’Alexandrie, le naturaliste Pline l’Ancien, et l’historien juif Flavius Josèphe.

Que faut-il penser de ces références?

- Philon (30 ans avant Jésus-Christ à 40 après Jésus-Christ), qui vivait en Égypte, qui ne savait pas l’hébreu et n’alla jamais en Judée, décrit les vertueux Esséens (c’est ainsi qu’il dénommait les Esséniens). Il les montre vivant en Palestine, dans les villages, fuyant les grandes villes à cause de l’immoralité des habitants. «Nul Esséen ne prend femme, écrit-il. Ce sont des apiculteurs ou des agriculteurs»

(*) «Philonius Judaei Opera», édition Magney, London, 1742, pp. 457-459.

- Pline l’Ancien (qui mourut en 79 après Jésus-Christ). C’est lui qui inventa l’habitat des Esséniens dans la région la plus inhospitalière du monde (*), «à l’occident de la mer Morte»: «C’est là, dit-il, que des hommes, fatigués de la vie, venaient finir leurs jours à l’ombre des palmiers, dans une communauté sans femmes, ayant renoncé à tout ce qui touche à Vénus».

(*) «Histoire naturelle» I. 17.

- Flavius Josèphe (qui écrivit son premier ouvrage: «Guerre juive», vers 70 de notre ère), dans la traduction grecque de son œuvre (*), nomme les Esséniens à côté des Pharisiens et des Sadducéens; décrit surtout leur vie ascétique et communautaire à l’exception d’une catégorie spéciale, dont il fait aussi mention et qui pratiquait le mariage (cf. Guerre juive II, VIII). Et, s’il ne les condamne pas au célibat, en fait des misogynes «dressés contre le dévergondage des femmes et convaincus qu’aucune d’elles ne conserve sa foi en un seul homme». Ils n’ont pas une ville unique, dit-il, mais en chaque ville, ils forment à plusieurs une colonie. Ils voyagent beaucoup. — Josèphe insiste longuement sur le programme de leur journée, sur leurs vertus, sur les livres qu’ils pratiquent, sur l’admission dans la secte, sur leur serment et leur discipline. Il parle de leurs croyances, sur l’immortalité de l’âme et l’au-delà.

(*) Par B. Niese, vol VI (Berlin 1895); traduction française par R. Harmand, in «Œuvres complètes de Josèphe» p. 5. Paris, Leroux, 1901: Flavius Joseph: «Histoire ancienne des Juifs» et «La guerre des Juifs contre les Romains, 66-70 ap. J.-C». (Réédition française 1968 aux Éditions LIDIS pp. 557 et 557 et 707-713)
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3.3.2 - (IN) COHÉRENCE DES SOURCES

Ici, quelques observations s’imposent:

1. — Nous constatons un désaccord entre nos trois historiens quant à la profession des Esséniens et à leur habitat: pour Philon, il s’agirait d’agriculteurs ou d’apiculteurs dispersés dans les villages palestiniens. Pour Pline, il s’agirait de vieillards à la retraite qui achèveraient leurs jours «à l’ombre des palmiers», et cela dans une région malsaine et aride dont la fertilité au premier siècle ne saurait être prouvée. Pour Josèphe, il s’agirait bien d’une secte, avec sa discipline rigide et communautaire, mais d’une secte dispersée en plusieurs colonies à travers la Palestine.

Des trois auteurs, un seul donc, Pline l’Ancien, parle d’un habitat unique à proximité de la mer Morte.

2. — Il y a accord entre les trois auteurs sur un point seulement: la vertu des Esséniens, leur continence et leur célibat. Mais cet accord est très important.

Car si les Esséniens étaient célibataires, on ne comprend pas pourquoi le cimetière qui avoisine les ruines de Qumran (qu’on dit être leur cimetière), et qui contient 1100 tombes, compte un pourcentage important de femmes et d’enfants !

3. — D’après Philon, les Esséniens étaient voués à la pauvreté. Or, selon un rouleau de cuivre ramassé dans la grotte 3, les gens de Qumran auraient été à la tête d’une fortune colossale, quelque 200 tonnes d’or et d’argent! (qu’on n’a d’ailleurs pas retrouvées).

4. — Quant au témoignage de Josèphe, il importe d’en constater les contradictions et de ne pas y ajouter foi sans contrôle sérieux.

Contradiction entre «La guerre juive», qui laisse entendre que certains Esséniens étaient mariés, et «Les Antiquités judaïques» (*) qui affirment qu’aucun ne prenait d’épouse.

(*) Livre XVIII, ch. 1 — texte grec du vol. III de l’édition Niese (Berlin 1882). Voir aussi réédition française des œuvres de Flavius Josèphe 1968: cf. 557 et 712.

D’autre part (et c’est ici que s’expliquent surtout nos réserves), des trois versions de l’œuvre de Josèphe, seule la version grecque, celle précisément qu’a utilisé M. Dupont-Sommer (*), fait mention des Esséniens. Le Yossipon hébreu n’en parle pas ; la version latine (l’Hégésippe) n’en parle pas davantage. N’est-il pas normal de présumer que la version grecque (la seule des trois qui parle des Esséniens) a subi des interpolations ? Et n’est-il pas pour le moins étrange que les partisans de l’essénisme de Qumran n’aient jamais fait état que de cette version ?

(*) Les Écrits esséniens, p. 37.

Voilà les sources dites historiques de la thèse de Qumran. Comprenez-vous que nous puissions la qualifier de «construction de l’esprit»?

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3.3.3 - AUTRES INSUFFISANCES DE L'HYPOTHÈSE

Il convient d’ailleurs de formuler encore trois remarques:

1. — Les Esséniens ne sont jamais nommés dans les manuscrits où l’on prétend que se trouvent consignées les règles de leur communauté: Commentaire d’Habakuk, Manuel de discipline.

2. — Comment a-t-on pu identifier le Maître de Justice dont M. Dupont-Sommer fait un proto-Christ? Cette identification repose sur des manuscrits (non en parchemin, mais sur papier) découverts en 1896 dans la genizah d’une synagogue qaraïte du Caire par Salomon Schecter, maître de conférences à Cambridge, et publiés par celui-ci en 1910. Ces manuscrits, appelés d’abord «fragments zadokites», reçurent plus tard le titre d’Écrit de la Nouvelle Alliance au pays de Damas, ou, en abrégé l’Écrit de Damas.

Cet écrit, déclare M. Dupont-Sommer, est pour nous le témoin d’une phase de l’histoire de l’église essénienne (je souligne le mot église) (p. 129, Écrits esséniens), de la phase où la secte, chassée de Judée par la persécution, avait trouvé refuge dans le pays de Damas avant de retourner dans son pays.

Or, cet Écrit de Damas, bien des spécialistes sérieux s’accordent depuis Zeitlin (*) à le dater du Xe ou du XIIe siècle après Jésus-Christ, et le rapportent, non pas aux Esséniens, mais à une secte qaraïte (secte juive médiévale vivant en Égypte).

(*) Zeitlin, Jewish quarterly Review, 1926, pp 429-474.

Échafauder une opinion à partir de l’Écrit de Damas mentionnant un «Maître de Justice», prophète d’une secte antérieure au christianisme, pour en faire un proto-Christ, n’est-ce pas quelque peu scabreux? Scabreux même si, selon M. Dupont-Sommer, des fragments hébreux découverts dans les grottes 4 et 6, datés ceux-ci du 1 er siècle de notre ère, présentent quelque conformité avec le texte des Écrits médiévaux.

3. — Enfin, nous posons la question: que penser du silence impressionnant du Nouveau Testament, des Apocryphes et du Talmud qui jamais ne font mention des Esséniens?

Nous voilà fixés sur le caractère hypothétique de l’essénisme qumranien. Nous réalisons que les choses ne sont pas aussi simples qu’on voudrait nous le faire accroire. Si M. Del Médico est sans doute allé trop loin en affirmant qu’il «n’y a jamais eu d’Esséniens», en l’état actuel des recherches qumraniennes, il est dans la vérité en donnant à l’un de ses plus importants ouvrages ce titre suggestif: «Le Mythe des Esséniens» — entendu: des Esséniens de Qumran.

Dieu merci! avons-nous dit déjà! Car, si l’hypothèse de M. Dupont-Sommer s’avérait un jour être une vérité historique, le discrédit serait jeté sur l’originalité surnaturelle de la Révélation chrétienne. Pour une fois (sans doute la première fois), des découvertes archéologiques infirmeraient le témoignage de la Bible qu’elles confirment par ailleurs de façon éclatante. Mais, fondés sur l’expérience de 50 années de recherches archéologiques, sur la valeur historique des écrits du Nouveau Testament, comme sur la portée de l’inspiration de la Révélation scripturaire, nous pouvons avoir confiance. Les vues de l’esprit — surtout lorsqu’elles émanent de quelque autorité du monde scientifique — peuvent nous émouvoir ou nous déconcerter. Elles ne sauraient l’emporter sur l’autorité de la Parole de Dieu qui, tôt ou tard, doit reprendre ses droits. Déjà, trois spécialistes: Del Médico, Driver et Cecil Roth identifient le chef de la secte dont parle le Commentaire d’Habakuk, non plus avec un prêtre, antérieur à Jésus-Christ de 70 ans, mais avec Menahem martyrisé en 66 après Jésus-Christ. Si cela se confirmait, tout dans le contexte matériel de Qumran serait postérieur au christianisme, et ce serait l’écroulement sans phrase de l’hypothèse qui place à Qumran la véritable inspiration chrétienne.

En l’état actuel de la question, comment donc ne pas nous étonner lorsque nous lisons, sous la plume d’auteurs sérieux et même chrétiens, à propos des ruines de Qumran: «Le couvent essénien», ou «les manuscrits des Esséniens»? Les points d’interrogation que posent encore les manuscrits et le contexte du Quirbet Qumran ne devraient-ils pas, à eux seuls, inviter tout historien à une très grande réserve?

Ainsi que l’écrivait M. Jérôme Carcopino à M. André Parrot (Evangile et Liberté, 9.7.1958): «Le succès et la vérité iront à celui qui, s’armant de patience, attendra que tous les manuscrits (et ils sont légion) aient été publiés pour les confronter avec nos diverses traditions hébraïques et chrétiennes».